Déclaration de l’artiste

PHILIPPE BENICHOU : DECLARATION DE L’ARTISTE

J’ai été poussé à devenir artiste peintre au cours d’une quête spirituelle et existentielle*. Tout a commencé quand j’étais encore très jeune avec des souvenirs singuliers de méditations spontanées et innocentes qui se sont cristallisées vers la fin des années 1990. J’ai toujours été fasciné par les rouages de l’univers, trouvant des similitudes frappantes entre l’immense étendue du cosmos, la liberté d’esprit et les décisions uniques de mes instincts.

Sans me poser comme eudémoniste, et aussi étrange que cela puisse paraitre, j’ai l’impression que mon être profond est constamment en état de contemplation créative, libre de voyager dans d’autres dimensions. D’une certaine manière, mes tableaux sont des preuves, voire des comptes rendus de mes voyages et de mes réflexions métaphysiques.

Je peins à partir de visions internes et d’émotions intenses, impossible à décrire avec des mots, que je relâche sur ma toile. Je me fais conduire, semble-t-il, par un guide intérieur, une sagesse ou une sorte de muse particulièrement impartiale, qui m’apporte une joie immense et un sentiment d’appartenance à une paix intérieure, oubliée dans la profondeur des siècles.

Mon œuvre est une extension en même temps qu’une clarification de mes émotions les plus fortes et de mes pensées les plus claires, voire les plus intimes. Je suis convaincu que ce que je représente en forme plastique en tant qu’artiste n’est qu’un faible reflet de ce que mon esprit est capable de créer. Je crois ainsi que nous jouons tous un rôle, dans la « grande conception » et la grande « mise en scène théâtrale » qu’est la vie. Je me vois un peu comme un mystique, et je vois l’art comme un acheminement vers un royaume créatif et vers un état de conscience plus éveillé pour le bénéfice de tous.

L’art en vérité me libère. Je suis profondément reconnaissant à tous les artistes qui ont su exposer leurs pensées sur la vie et sur l’art. Ma mère, Arlette Oger, était une artiste authentique dans son art comme dans sa vie, et cela, sans le savoir ou du moins sans avoir besoin de l’afficher. Elle fut aussi professeur à la Chambre des Métiers. Elle partagea ses méthodes avec moi et restera toujours un exemple indéfectible en permanente évolution. Elle m’a grandement influencé ainsi que tous les membres excentriques, passionnés et généreux de ma famille.

Mon œuvre est pour la plus grande partie expressive : abstraite et expressionniste, avec une exploitation intense et libre de la couleur. J’utilise plusieurs médias pour produire des textures, des formes, des compositions et des coordinations insolites et atypiques. Je crois aussi que la couleur a un effet d’apaisement presque primitif, à partir du moment qu’elle contienne une certaine harmonie et qu’elle cherche toujours à l’atteindre.

Ce sont les rythmes, les dynamiques et les relations surprenantes qui m’intéressent. Je crée des séries basées spontanément sur des idées et des techniques que j’ai développées et raffinées inconsciemment au cours des années. Les idées semblent prendre forme naturellement comme faisant partie du processus. Les couleurs et les lignes engendrent des formes qui me font me diriger finalement vers une harmonie de composition qui est mon but. Je ne me penche pas vers une œuvre figurative et représentative parce que, selon moi, les apparences ne sont pas ce que les choses sont en essence. Le but dans l’art, c’est la création. Il faut nécessairement passer par l’imitation et l’interprétation, mais je pense que le but c’est la création pure.

Mon esprit possède des moyens de vision dont mes yeux ne peuvent ni comprendre ni imaginer. Je trouve une sérénité certaine quand je m’échappe du monde des formes conventionnelles, ainsi je préfère m’exprimer librement et ouvertement. C’est par l’imagination créatrice et la réflexion spirituelle au travers de l’action de peindre que je m’approche le plus d’un état de « non-forme » sans limites. Travailler avec ce qui est non interprété, et cependant engendrer la clarté, la liberté et d’une certaine manière, l’évolution et la transmutation.

Pour moi, peindre, c’est le corps et l’intuition en action. Étant donné que je vis dans un monde politiquement délicat et moralement sensible, basé sur une « mémoire collective » datant pour moi de l’Antiquité et transformée en une épistémologie Judéo-Chrétienne, je dois participer au procédé qui me fait assimiler complètement les atmosphères autour de moi pour que je puisse les transformer artistiquement d’une façon cohérente.

Mes tableaux sont comme des livres et des cartes. J’y « écris » beaucoup. En vérité, en peignant, je me sens beaucoup plus près de l’écriture que de la peinture. Je voyage comme un vaisseau guidé à travers de riches expériences intérieures retirées des bafouillages psychologiques du monde.

Il m’a fallu plusieurs décennies pour trouver le courage de commencer à m’exprimer complètement dans la peinture. Au départ, je peignais aux pastels à l’huile, et puis j’ai fait beaucoup d’essais dans l’art digital ; plus tard j’ai commencé à utiliser des huiles et d’autres médias et mélanges maison. La plus grande part de mon progrès est le résultat des heures passées à travailler avec mon ami, Francis Coelho, artiste accompli et professeur d’art bien connu aux USA, qui a amplement et très généreusement éclairci les chemins de mon développement artistique. Mon travail de comédien et de metteur en scène, ainsi que les atmosphères de ma petite enfance m’ont grandement influencée également. Comme élève insatiable du comportement humain, tous les individus que j’ai rencontrés et observés au cours de ma vie, m’ont fait part dans leurs postures et humeurs de leurs secrets intérieurs les plus cachés.

Thèmes importants pour moi : la liberté et l’ouverture d’esprit, le conditionnement humain et sa transcendance aux travers de l’art et de la connaissance de soi, la créativité, l’éveil. Autres thèmes : la vraie nature et essence de l’homme, la matière et le temps en tant qu’apparences illusoires, le jeu subtil de l’être avec le cosmos, l’attachement de l’homme à l’éphémère, au passé et au blâme ; la qualité de l’être en dehors des systèmes de pensées et surtout des croyances, l’être et le paraitre, l’inconnu, le oui à la vie qui absorbe le non, la totalité de l’être et l’illusion de l’être, la puissance de l’existence, la vie au-delà des formes, l’intelligence de l’univers, l’art abstrait libérateur, l’immortalité de l’être et l’appartenance de la pensée à l’être, la souffrance et ses pouvoirs guérisseurs et révolutionnaires, le moment présent, le « now-moment » en énergie et en mouvement permanent, la vie intérieure, les origines de l’action, les changements perpétuels : à quoi bon s’attacher ? L’abandon aux voyages dans l’inconscient et aux réflexions spirituelles au-delà de la religion.

* Je suis positivement aux antipodes de l’Existentialisme. Sans grand sérieux, je me donne le droit d’avoir mon avis. Comme Socrate qui « corrompait » les jeunes gens en cherchant à les émanciper de tout modèle, je combats les « dogmes comme les élus intellectuels » avec force, courage et humour.

Je pourrais aussi citer Renoir, Cézanne et Delacroix qui refusaient catégoriquement le « copiage des grans maitres » et cherchaient une vision unique et propre à l’artiste, pas à l’époque. Par exemple, dans la Grèce du Ve siècle avant J.C., « l’art de vivre était lié à la connaissance et la connaissance était un art de vivre », ne visant pas forcément à la sérénité de l’esprit, mais requérant un état de veille permanent. Je vis pour la connaissance de soi dans ses comportements les plus subtils, mon seul havre d’espoir.

L’Existentialisme n’est pour moi qu’une dictature partiale et cérébrale, élaborée dans une ignorance singulière et voulue des choses, qui selon moi, nous détourne de la connaissance de soi et que chacun est potentiellement en mesure de vivre. Sans rancune, je pense que Sartre fut un des grands pessimistes de notre temps.

Je crois que chacun à la capacité de développer sa propre vision du monde et, s’il fallait choisir, je suis plus loup que mouton. Pour être clair, ce n’est pas le « néant » qui fait peur mais « l’inconnu » ; d’où pourquoi l’homme se rassure en peignant ses fausses vérités sur la grande toile de l’ignorance. Comme Socrate, « Je sais que je ne sais rien ».

En revanche, vu comme un simple divertissement, l’« Hollywood des idées » ne me gêne aucunement. Néanmoins, s’il faut choisir, alors je dis que « l’essence précède de loin l’existence ». Pour moi, tous les grands penseurs, bien que dotés de talents littéraires souvent exceptionnels, ne sont que des théoriciens. Les pouvoirs de décision et de réflexion du mental ne sont pour moi que des chimères d’un temps révolu ; nous sommes désormais passés de l’évolution de la pensée à l’inéluctable évolution de la sensibilité intuitive.

Le cruel sérieux des doctrines et l’imbuvable logique des certitudes, doivent faire place à « l’âge de l’individu » où chacun vit au cœur de lui-même, en grand explorateur et courageux voyageur dans l’espace, s’éloignant fermement de l’homogénéisation moralisatrice et systématique en matière d’éthique, de social, de politique, de religion—Et de tout le reste.

« Il n’y a ni remord ni repentir sans mémoire » disait Nietzsche, et la « morale du péché suppose bien évidemment que l’on n’oublie pas…

Il faut oublier pour être soi. Ne rien oublier, c’est se laisser constituer par l’extérieur et se réduire à n’être que le reflet des autres ». Serait-il l’heure de tourner la page ?

Philippe Benichou

Mont Ventoux, Provence

©2020

Philippe Benichou, also known as Eric Stone, is a French-American artist currently living in Bédoin, Mont Ventoux, France. Born in France in 1957, his mother, Arlette Oger, and his uncle, Jean Oger, were recognised artists in France. Philippe is also a highly respected figure within the performing arts field as an actor, voice artist and director. He’s the original founder of the Hollywood Actors Studio where he has taught and lectured on acting, creativity and artistic self-expression since 1989. Philippe formally studied with well-known art educator and sculptor Francis Coelho, in San Francisco, CA. Exhibitions of his work have taken place worldwide including those at MOCA Museum of Computer Art in New York and his paintings are found in many public and private collections in the U.S. and Europe. He is the recipient of awards in United States for his artistic merit. He continues to study art as it relates to self-realization and the healing powers of color and abstract compositions.

One thought on “Déclaration de l’artiste

  1. bonjour mon philippe,
    je suis impressionnee par ton art tu es devenu un virtuose . tes peintures nous elevent spirituellement

    mille bisous.
    francoise

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