“L’art, l’être et la pensée.” Propos recueillis par Valérie Penven

Concept rédactionnel: Chroniques philosophiques sur l’art ©2009 Philippe Benichou

“L’art, l’être et la pensée” par Philippe Bénichou

Propos recueillis par Valérie Penven

L’idée de ces chroniques est venue d’une rencontre entre l’artiste peintre Philippe Benichou et la journaliste Valérie Penven. De ces conversations à battons rompus sur l’art sont nées ces chroniques qui abordent les grands thèmes et idées que l’artiste souhaite partager avec le public. Beaucoup de peintres peignent, vendent et tirent parti de la médiatisation, mais peu d’entre eux s’expriment sur leurs motivations profondes et sur ces questions essentielles : Pourquoi l’art ? A t-il un but ? L’art au 21ième siècle ? Quel est l’impact de l’art sur notre vie de tous les jours, nos relations, notre bien-être, notre évolution, notre éveil ? Y a-t-il un monde possible sans art. Que nous apporte-t-il ?

L’art représente une plateforme intuitive extraordinaire d’expression et de possibilité de libération de l’emprise de notre conditionnement humain. L’intuition, ç’est de comprendre sans avoir à penser. Nous sommes tous intuitifs, mais nous écoutons toujours plus nos pensées que notre intuition. La libération par l’art, voilà, selon moi, le but ultime de l’art moderne. Si les impressionnistes ont libéré la couleur, ils ont aussi ouvert les portes d’une libération plus totale, et nous ont appris a poursuivre l’éveil de notre conscience intuitive au sens large.

L’art n’est qu’un prétexte. En libérant l’art, nous libérons l’homme. Nous voulons tous augmenter la qualité du contenu de nos vies : plus grande maison, plus grandes voitures, plus d’argent, de temps, d’espace, de vertus, d’opportunités, de bien-être, d’amour, de santé…etc.…Pour changer le contenu, il faut comprendre le contexte. C’est la mer qui engendre le poisson. Le poisson est le contenu et la mer le contexte. La qualité du contexte change automatiquement la qualité du contenu. L’homme se préoccupe du contenu et fait des ronds dans l’eau. Même l’existence, la mort, l’infini, la vieillesse, la destiné, Dieu, le néant, la beauté, pour ne nommer que quelque uns, sont des sujets de pensée et de préoccupation constants.

L’être et la pensée sont deux aspects fondamentaux de libération et d’éveil à distinguer habilement. La pensée a toujours besoin d’un objet de pensée et de comparaison, d’où le dualisme intrinsèque à la pensée. Nous pensons « à » quelque chose ou « à » quelqu’un. Sans cet objet, la pensée ne peut pas exister, n’ayant pas d’objet et ne devenant pas, elle-même, sujet.

Nous ne pensons pas réellement, nous objéctifions le monde physique, psychologique, spirituel et émotionnel.

Par exemple, il n’y a pas de jugement sans objet de jugement. L’objet (l’autre ou la chose que l’on juge) fait apparaître cet état jugeur qui nous emprisonne dans une relation sujet/objet sans fin. C’est cette énergie objectiviste, en quête de devenir permanent, que nous fait voir le monde en fonction de nos interprétations, non de sa « réalité ». Le temps et l’espace sont en fait des notions qui n’ont de réalité que dans nos pensées, car en objéctifiant le monde physique, cela nous donne l’illusion de passage.

Notre civilisation à travers ses objectifications a besoin avant tout de comprendre et de se libérer de sa peur, peur d’abord de l’existence et de la mort. Encore une fois nous avons peur « de » quelque chose, la peur n’apparaît que dans son objectification. La peur n’a pas d’existence physique réelle. Un nouveau né n’a pas peur car il n’a pas commencé encore à s’objéctifier à lui-même, donc à se séparer de la totalité qu’il vit si sereinement dans une insouciance vitale. Son être « est » sa totalité, il n’y a pas encore d’objectification donc en fait, un sevrage de l’être.

Notre état « originel » s’est perdu dans un dualisme sans fin et pourtant nous reconnaissons notre être partout et à chaque fois que nous suspendons notre obsession sur les choses et les autres en tant qu’objet. C’est cette notion qui nous échappe et qui est à la source de beaucoup de nos problèmes.

C’est la qualité d’être qui nous manque car c’est l’être et la présence qui résout. L’ego, qui est en fait une objectification de la pensée nous enferme dans une illusion de nous. Illusion car l’ego est une décision tardive dans le développement de l’humain, une idée, pas une réalité physique. Quand je dis « moi » il n’y a pas de moi à part l’objectification de mon corps, de mes sensations émotionnelles et mentales, de la mémoire de mes objectifications passées et de celles de mes interprétations sur le monde devenu maintenant extérieur « à moi ». Si le corps disparaît « je » disparais d’où la peur de la mort comme disparition de l’ego. Le cercle vicieux est amorcé.

Il y a donc une distinction fondamentale à faire entre la conscience et la pensée, ou entre l’être et la pensée. Le contexte de la pensée est la conscience de cette même pensée. Sans cette conscience, la pensée de peut ni être activée, ni « objectifiée ». L’être ou la conscience n’a pas besoin d’objet pour être. Elle existe sans besoin. Elle est là, entière et totale. Je suis sans être ce « je », objéctifié. Je suis simplement « conscience ». L’object, le sujet et le phénomène d’observation lui-même, font part entière. Il n’y a plus de division. Je suis sans « je ». En fait j’appartiens ! Je suis libéré dans mon appartenance sans faire de l’appartenance un objet de ma conscience.

Il ne s’agit pas de s’arrêter de penser, chose impossible, mais de ne plus s’y identifier en quête de réponses sur les mystères de l’existence. C’est l’identification aux objets de notre pensée qui nous emprisonnent, « pas » la pensée elle-même. La pensée est magnifiquement organisée et d’une créativité extraordinaire. C’est pourquoi le détachement est supérieur à toute vertu. Quand je me détache des objectifications qui m’emprisonnent, je retrouve mon état d’appartenance: certains l’appellent Nirvana mais la définition n’a pas d’importance, car il ne s’agit pas encore une fois d’objectifier un état de conscience ou une humeur

La vie « est » et il n’y rien d’autre à ajouter. Le pourquoi de la vie s’efface pour laisser place à la reconnaissance presque magique de la conscience d’être. Mais sans faire de cette conscience un attachement, une identité, ou une image.

A travers ces chroniques proposées sous forme d’un échange spontané de questions/réponses sont abordées les questions fondamentales et créatives sur l’art, la pensée et l’être (la conscience). Par leur simplicité, ces textes sont rendus très accessibles au lecteur.Voici quelques exemples des thèmes développés dans ces chroniques :

  • Sur la liberté de l’esprit et l’art abstrait libérateur
  • Sur le pouvoir de la couleur et de la forme en tant qu’outils de guérison
  • Sur l’art en tant que nouveau langage aux connexions universelles qui dépasse la pensée elle-même
  • Le conditionnement humain: sa transcendance à travers l’art.
  • La fausse notion qu’il y a un art abstrait et un art figuratif (qui vise la nature et sa reproduction) l’art abstrait est plus libre parce qu’il peut tout traiter en tant que sujet
  • L’être et l’humain. La vraie nature de l’homme c’est l’être, bien plus vaste que la pensée
  • L’art comme un acheminement vers un état de conscience plus élevé, et plus spacieux pour le bénéfice de tous.

“Je crois que nous jouons tous un rôle, dans la “grande conception” de la vie. Je suis convaincu que ce que je représente en forme plastique n’est qu’une faible réflexion de ce que mon esprit est capable de créer. Je me vois un peu comme un guide mystique vers cet état de conscience.

L’art en vérité me libère. Toute forme plastique est pour moi un état d’esprit et un langage, plus puissant que la parole qui elle a besoin de systèmes d’interprétation psychologique déjà “sur le marché” et rabâchées. J’utilise plusieurs médias pour produire des textures, des formes, des compositions et des coordinations de couleurs inhabituelles donc un “nouveau langage” dans la forme et la couleur.  Je crois que les formes et les couleurs ont une puissance extraordinaire et non reconnue de guérison et d’apaisement. Une fois une harmonie de base nécessaire est atteinte, une communication s’établit d’elle-même, entre l’œuvre et son témoin. Cette communication n’est pas basée sur les mêmes structures traditionnelles de communication, elle est directe et plus profonde, voir “primitive ou “originelle.” Elle appartient désormais au témoin.

Mon but c’est cette nouvelle communication créatrice avec son potentiel de guérison, d’apaisement de la solitude existentialiste qui domine le monde d’aujourd’hui. Je cherche donc à trouver un public au-delà des yeux, paradoxe rigolo dans un art traditionnellement visuel. Je crois qu’il y a toujours deux qualités de vision, l’une jugeuse basée sur le conditionnement et historique de l’humain, et l’autre basé sur le sens profond de la vie et l’éternité elle-même. Je ressens l’éternité comme intelligente. Si l’esthétique est la science de la beauté, l’art abstrait serait-il la science de l’être et de la libération de nos prisons psychiques ?”

© 2009 Philippe Benichou

Philippe Benichou, also known as Eric Stone, is a French-American artist currently living in Bédoin, Mont Ventoux, France. Born in France in 1957, his mother, Arlette Oger, and his uncle, Jean Oger, were recognised artists in France. Philippe is also a highly respected figure within the performing arts field as an actor, voice artist and director. He’s the original founder of the Hollywood Actors Studio where he has taught and lectured on acting, creativity and artistic self-expression since 1989. Philippe formally studied with well-known art educator and sculptor Francis Coelho, in San Francisco, CA. Exhibitions of his work have taken place worldwide including those at MOCA Museum of Computer Art in New York and his paintings are found in many public and private collections in the U.S. and Europe. He is the recipient of awards in United States for his artistic merit. He continues to study art as it relates to self-realization and the healing powers of color and abstract compositions.

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